L’art du beau mensonge
Ma collection de manuels de narratologie et dramaturgie s’est enrichie d’un titre qui sort du lot : L’art du beau mensonge, de Vincent Ravalec, publié aux éditions Marabout/ Arte éditions.
Encore un manuel d’écriture ? Non. Encore une vision de son art par un auteur, oui.
Ce livre s’adresse plutôt à des auteurs qui ont déjà lu et expérimenté des méthodes, tenté des trucs dans leur coin ou en public, mais pas à des débutants. Ou alors des audacieux (ça existe, heureusement). Pourquoi ? Parce qu’il ne nous prend pas par la main comme un Truby ou même le Lavandier d’Écrire un récit. Il nous explique, non, il nous montre comment son organe créatif fonctionne. Un exercice assez intime, d’ailleurs. Le processus créatif d’une personne m’a toujours semblé beaucoup plus instructif que n’importe quoi d’autre à propos de quelqu’un.
En quoi ce déballage extime présente-t-il un intérêt ? Le plus évident : confronter sa pratique à celle d’un autre m’a toujours passionnée et enrichie, surtout quand elle diffère. Voilà pourquoi il intéressera plus ceux qui ont déjà écrit.
Le ton « conversation au coin du feu » de cet ouvrage entraîne d’ailleurs le lecteur dans cette direction. En le lisant ce weekend, j’ai eu l’impression de passer deux jours à discuter avec Vincent Ravalec dans mon canapé, à siroter mon chocolat chaud.
Qu’apprend-on ? Plein de choses. Des détails essentiels qui font la différence et surtout la raison pour laquelle ils le sont, tout en suivant la construction palpitante du scénario narrant les aventures de Riri et Pépète. De la recherche de l’idée à l’adaptation sous la forme d’un autre média (exemple : BD), l’art du beau mensonge met en scène les techniques de l’auteur, accompagnées de nombreux travaux pratiques. J’ai particulièrement apprécié les chapitres sur les fondamentaux, l’escalier narratif ou la cohérence, mais aussi, plus rares, ceux qui parlent des retours et du travail des différentes versions. C’est sans doute dans ce dernier tiers que l’ouvrage trouve son originalité. On a vraiment les mains dans le cambouis.
Je déconseille aux écrivains de sauter les passages consacrés à la musique, la voix off et tout ce qui paraît ne concerner que le cinéma. En réalité, ces pages fournissent une belle matière à réflexion, justement parce qu’on les évoque peu ailleurs.
Là se trouve d’ailleurs la principale qualité de ce livre : faire réfléchir à sa propre pratique. Sans dogmatisme, mais avec un sacré pragmatisme, il vous rebrousse le poil de la création et ça fait du bien.
Petits bémols cependant.
Il faut aimer le style Ravalec, les petites blagues, les quizz chelous, les digressions qui n’en sont pas tout en en étant sans en être, bref, si vous y êtes allergiques, vous allez souffrir, sinon, vous allez vous poser plein de questions et sortir regonflés de cette lecture.
Autre point de friction, mais c’est personnel : cette mise en page ! Pour moi, les lettres et les mots servent à susciter les pensées et doivent s’effacer devant le cinéma et la réflexion intérieurs. Là, les couleurs et les variations de typographies me ramenaient sans cesse à la matérialité du mot à un degré pénible. Autant les blagounettes, ça m’est égal, je garde l’os et je laisse le gras, autant les mots qui dansent sur fond orange me donnent la nausée.
À part ça, lisez-le, ça fait penser.