Et soudain, je découvre un lien entre l’uchronie et l’autofiction…

Et soudain, je découvre un lien entre l’uchronie et l’autofiction…

…deux genres à priori très éloignés, l’un relevant de la science-fiction et l’autre de la littérature contemporaine du soi.

Ça me tombe dessus pendant la lecture d’un article sur un sujet qui traite de tout autre chose et dont je ne parlerai donc pas.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

C’est celle du fils adoptif de Napoléon (son filleul qu’il a ensuite adopté, Louis-Napoléon Geoffroy-Château) qui trouve que, tout de même, sa vie aurait été drôlement plus grandiose si papa avait conquis la Russie. Une petite fiction, Napoléon et la conquête du monde, et hop, le tour est joué.

C’est aussi un roman considéré comme la première uchronie, ainsi que le rappelle Serge Lehman dans sa préface au passionnant Les maîtres du vertige. Même si le mot n’a été créé qu’en 1876 par Charles Renouvier.

Oui, je triche. Oui, j’invente. Louis-Napoléon ne parle pas de lui-même dans ce roman, comme on le ferait dans une vraie autofiction, mais de la gloire de son père. Pourtant, ce que j’en retiens, c’est une envie de voir ce souhait réalisé et d’y croire (et d’en découvrir peut-être les conséquences sur lui-même) : « écrire l’histoire non telle qu’elle fut, mais telle qu’elle aurait pu être » (dixit Renouvier). Louis-Napoléon le dit lui-même dans son avertissement : « J’ai fini par croire à ce livre après l’avoir achevé. Ainsi, le sculpteur qui vient de terminer son marbre y voit un dieu, s’agenouille et adore. »

On m’objectera que ce n’est pas du tout ça, l’autofiction : même en trichant et en jouant honteusement sur les définitions contradictoires du genre (Doubrovsky, Genette, Lecarme…), il faut au moins un narrateur identique au protagoniste et à l’auteur, d’une part (comme dans toute autobiographie) et d’autre part des faits réels (enfin, ce point reste sujet à débats).

Alors que dans Napoléon et la conquête du monde, on a affaire clairement à une biographie-fiction. Serais-je en train de m’égarer ?

Je fais seulement un court détour pour expliquer mon propos : prenons une autre biographie uchronique, celle qu’a rédigée Coline Pierré à propos de Sylvia Plath « Pourquoi pas la vie ? » Dans cette biographie-fiction (qui est un petit plaisir de lecture, d’ailleurs !), l’autrice réécrit la vie de la poétesse en supprimant son suicide et en lui faisant vivre la suite de son existence d’une manière solaire. N’est-ce pas aussi une uchronie ? Un genre caractérisé par un moment de bascule où l’histoire change ?

Ce qui m’a intéressée dans ce rapprochement entre uchronie et autofiction, c’est ce qu’on pourrait en faire : je passe beaucoup de temps à écrire des autobiographies romancées pour mes commanditaires, et je me suis prise à rêver d’un genre spécifique : l’auto-uchronie. Ou plus précisément l’autobiographie uchronique. On regarderait sa vie et on se dirait : et si je n’avais pas choisi A, mais B ? Et si tel événement de mon existence n’avait pas eu lieu/avait eu lieu ?

Et tout changerait, comme la biographie réécrite de Napoléon. Ce serait une bascule dans la vie de l’auteur-narrateur-protagoniste : le début serait identique à la réalité quand soudain, on passerait dans la fiction, en une sorte d’autofiction poussée au maximum.

Il est à noter que la fin de la vie de Napoléon dans l’uchronie rédigée par son fils adoptif n’a rien de folichon.

« N’ayant plus rien à faire, parce qu’il avait tout fini, ni rien à désirer, parce qu’il n’y avait plus pour lui de désirs possibles, trop loin des choses et des hommes, il se trouvait seul dans l’univers. »

La plus belle auto-uchronie n’est donc sans doute pas celle où l’on conquiert le monde : ce serait d’un ennui ! (est-ce vraiment une révélation ?).

Je n’ai pas l’intention d’écrire d’autofiction uchronique (donc avec ma pomme en héroïne), mais je serais ravie d’en lire quelques-unes (ou, pourquoi pas, d’en écrire pour d’autres : D)

Et vous, ça vous tente ?

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